Neuro-urologie : neo-discipline aux confins de la neurologie, de la médecine physique et de réadaptation, de l'urologie, de la colo-proctologie, de l'andrologie-sexologie, de la pelvi-périnéologie, de la gynécologie, permettant l'évaluation, le diagnostic et la prise en charge thérapeutique médico-chirurgicale et rééducative des troubles vésico-sphinctériens, ano-rectaux et génito-sexuels observés au cours des maladies neurologiques congénitales ou acquises, aigües ou chroniques, stabilisées ou évolutives.

 

 

 Qu'est ce la neuro-urologie ?

 

La Neuro-Urologie, néo-spécialité émergente aux confins de plusieurs disciplines, a pour rôle essentiel le diagnostic, l’évaluation et la prise en charge thérapeutique des troubles vésico-sphinctériens observés au cours des pathologies neurologiques. Ce concept s’est rapidement élargi à la prise en charge plus globale du handicap périnéal qu’il s’agisse de troubles urinaires, colo-proctologiques ou génito-sexuels dont on connaît la quasi constante d’association au cours de ces pathologies.

La prévalence de ces troubles est extrême car la plupart des maladies neurologiques qu’elles soient centrales ou périphériques, aigües ou chroniques, avec ou sans handicap sensitivo-moteur séquellaire, s’accompagnent voire se révèlent par des troubles vésico-sphinctériens.

Ces troubles posent toujours, outre le problème de leur reconnaissance et de leur diagnostic, celui de leur retentissement médical car ils grèvent lourdement le pronostic vital par le risque de complications uronéphrologiques majeures (septicémie, insuffisance rénale). Le pronostic fonctionnel est tout autant compromis avec une altération constante de la qualité de vie de ces patients souffrant d’incontinence urinaire et/ou fécale ou de rétention urinaire.

L’évaluation des patients repose certes sur des données cliniques mais aussi et surtout sur des évaluations instrumentales au premier rang desquelles figurent les explorations manométriques (urodynamique), neurophysiologiques, radiologiques et biologiques. 

 

Les Pathologies prises en charge

 

Toutes les pathologies neurologiques sauf exception, s’accompagnent de troubles urinaires.

Les lésions médullaires qu’elles soient traumatiques (para et tétraplégies) ou médicales (myélites infectieuses, tumorales, myélopathies compressives, dégénératives, …) sont toujours associées à de tels troubles qui encore une fois fixent le pronostic vital : dans les années 50, date ou la neuro-urologie n’était que balbutiante, près d’un malade sur deux atteint de paraplégie mourrait à cause de ces troubles urinaires.

La sclérose en plaques est associée dans près de 80% des cas a des troubles urinaires, et comme pour les paraplégies traumatiques, touche des adultes jeunes.

Les affections encéphaliques, en raison de l’existence de centres cérébraux du contrôle mictionnel, ont quasi constamment des troubles sphinctériens (traumatismes crâniens, accidents vasculaires cérébraux, processus démentiels, lésions tumorales et infectieuses, maladie de Parkinson,… ).

Les neuropathies périphériques quelqu’en soit la cause (diabète, toxiques, cancers, maladies systémiques, ..) sont souvent accompagnées de signes urinaires ou génito-sexuels.

Certaines pathologies spécifiques du système nerveux autonome (dysautonomies) s’expriment volontiers par des désordres urinaires ou génitaux.

Les fractures du bassin, les dénervations chirurgicales (après chirurgie pour cancer du pelvis, du rectum, de l’utérus, ..) sont souvent responsables de vessies neurologiques retentioniste nécessitant une évaluation et une prise en charge spécifique.

De très nombreuses autres pathologies neurologiques pourraient être citées, toutes pouvant déterminer de tels symptômes.

 

Les Symptômes évalués

 

Les symptômes devant être pris en compte sont multiples et ils n’est guère possible de les dissocier en terme d’évaluation et surtout de prise en charge en raison de leur impact réciproque : une incontinence urinaire peut engendrer des troubles sexuels ; une rétention urinaire chez le neurologique peut être secondaire à une constipation massive, etc … De plus, ces évaluations procèdent souvent des même technologies d’investigations (examens manométriques intra vésicaux ou intra rectaux) et font appel au même type de matériel et aux même compétences (et formation) médicale et paramédicale.

L’incontinence urinaire est un des symptômes clefs. Son mécanisme chez le neurologique n’est pas univoque et nécessite donc des explorations instrumentales spécifiques afin d’en comprendre la cause et permettre ainsi un traitement adapté.

Le vrai problème n’est pas tant l’incontinence elle même (bien qu’elle ait un fort retentissement psychologique et social), que ses facteurs causaux au tout premier rang desquels figurent « l’hyperactivité vésicale » c’est à dire des contractions anarchiques, inappropriées, trop amples de la vessie pendant son remplissage. En effet cette hyperactivité est extraordinairement délétère pour la vessie elle même et le haut appareil rénal conduisant à des déformations vésicales, des reflux d’urine vers les reins, des infections urinaires, et en définitive à une insuffisance rénale et à des infections généralisées grevant le pronostic vital. L’évaluation de ces hyperactivités (bilans urodynamiques et neurophysiologiques, bilan endoscopique, bilan radiologique), leur surveillance et leur traitement sont ainsi indispensables.

Les autres symptômes urinaires à type de rétention complète ou incomplète procèdent soit d’une paralysie vésicale soit d’un « spasme » des sphincters, tout aussi délétères en terme de pronostic, et requérant pareillement évaluation et traitement.

Les troubles anorectaux (incontinence fécale, constipation majeure), ne sont pas uniquement un problème de confort, car d’une part ils peuvent déstabiliser la condition vésico-sphinctérienne et d’autre part par eux même impacter la maladie neurologique (escarres cutanées, troubles de la régulation cardiaque chez le paraplégique, …).

Les troubles génito-sexuels sont extrêmement fréquents et posent d’autant plus de problème qu’ils surviennent chez des patients jeunes (paraplégie, sclérose en plaques) avec outre l’aspect récréatif et socialisant de la sexualité, une problématique de fertilité. Troubles de l’érection , de l’éjaculation, de l’orgasme sont les plus fréquents mais non exclusifs (incontinence per coïtale, dysrégulation cardio-vasculaire per coïtale chez le bléssé médullaire, ..).

 

Les Moyens d'investigations

 

La diversité des troubles (urinaires, anorectaux, sexuels) implique la nécessite d’une équipe pluri disciplinaire avec des consultations spécifiques bien différenciées : neuro-urologie bien sur, mais aussi neuro-sexologie (homme et femme), neuro-proctologie, infectiologie urinaire, chirurgie urologique, chirurgie gynécologique spécifique du neurologique (et même problématique particulière des accouchements chez la jeune femme neurologique), …

Au delà des compétences cliniques, les moyens d’investigation du laboratoire d’explorations périnéales sont nombreux.

Les explorations urodynamiques (cystomanométrie c’est a dire l’enregistrement des pressions pendant un remplissage intra vésical, sphinctérométrie avec analyse des pressions sphincteriennes) sont un des éléments de base.

Ces explorations correspondent à plusieurs codifications CCAM mais sont en réalité beaucoup plus complexes chez le patient neurologique que celles réalisées en uro-gynécologie devant une « simple » incontinence d’effort du post partum ou une dysurie (poussée abdominale) et exagération de la fréquence mictionnelle du patient « prostatique ».

En effet ces explorations s’adressent à des patients fragiles nécessitant du fait de leur handicap et de leur spécificité neurologique des procédures particulières : augmentation du temps d’installation ; précautions pour éviter les appuis prolongée uniques (escarres) ; surveillance spécifique cardio vasculaire (risque de « dysautonomie » [dysrégulation cardio-vasculaire avec a coup hypertensif avec risque d’hémorragie cérébrale par exemple] pendant le remplissage vésical chez le para tétraplégique ; lenteur du remplissage vésical (20 ml/mn chez le neurologique vs 100 ml/mn chez le non neurologique ; tests urodynamiques spécifiques avec injection d’eau glacée ; manouvres sensibilisatrices particulière pendant les enregistrements, tests de stimulation conditionnante, etc …

Tout ceci nécessite du personnel spécifiquement formé et apte à réagir à des situations d’urgence parfois aigües.

Les explorations  neurophysiologiques périnéales (électromyographie, vitesses de conduction, potentiels évoqués, …) empruntent aux explorations classiques le même type de matériel d’enregistrement et de savoir faire général mais font aussi appel à des techniques particulières et à des instruments spécifiques (électrodes de stimulation et de recueil, …). Ces tests électrophysiologiques prennent part d’une manière importante à l’évaluation mais aussi au diagnostic de la maladie neurologique quand le symptôme urinaire (ou anorectal) est révélateur de la maladie neurologique.

La manométrie anorectale est le pendant de l’urodynamique pour les troubles anorectaux avec l’enregistrement des pressions intrarectales. La encore la particularité du patient  neurologique (handicap, typologie des troubles, risques spécifiques, ..) complexifie l’exploration.

La réalisation de tests végétatifs pour explorer le système nerveux autonome (celui qui gouverne de manière inconsciente la vessie, le rectum et leurs sphincters) est désormais d’un apport majeur dans l’évaluation diagnostique des troubles urinaires et anorectaux. Ces tests sont en réalité des tests cardio vasculaires avec enregistrement continu de la fréquence cardiaque au cours de tests codifiés, permettant grâce à des outils informatiques une analyse de la variabilité de cette fréquence, autorisant après traitement du signal, de définir des perturbations générales de ce système nerveux autonome source de dérèglements urinaires, sexuels ou anorectaux.

Toutes ces investigations sont réalisées au sein même du laboratoire d’explorations périnéales. Mais elles doivent être très habituellement complétées par une expertise radiologique permettant de juger du retentissement des troubles urinaires sur la vessie et les reins (UCRM, échographie, uroscanner), des tests biologiques de la fonction rénale et une vérification endoscopique par un urologue.

De même les troubles anorectaux nécessitent souvent un examen morphologique (endoscopie, echo-endoscopie) ou fonctionnel (colpo-IRM, défécographie).

 

Les Thérapeutiques proposées

 

En raison du caractère protéiforme des troubles « neuro-périnéaux », les moyens thérapeutiques sont multiples et reposent habituellemet sur une prise en charge combinée médico-chirurgicale (médicaments, chirurgie urologique).

L’incontinence par hyperactivité vésicale relève d’abord d’un traitement médicamenteux parfois spécifique au neurologique ; puis en cas d’échec de stimulation des nerfs sacrés ; ou encore d’injection intravésicale de toxine botulique réalisée en ambulatoire par un urologue ; voire en cas d’échec, d’un agrandissement chirurgical de la vessie.

L’incontinence par insuffisance des sphincters relève après échec du traitement médicamenteux voire rééducatif, d’une intervention urologique (bandelette, sphincter artificiel urinaire).

La rétention urinaire est le plus souvent gérée par la pratique des autosondages. Cette technique nécessite une équipe paramédicale pluridisciplinaire avec un recours souvent nécessaire à des compétences ergothérapiques et kinésithérapiques pour faciliter et parfois réaliser ces autosondages. La multiplicité des handicaps chez le neurologique (moteur, cognitif, sensoriel, visuel, attentionnel, …) complexifie encore la prise en charge (temps, technique, ..) et l’éducation thérapeutique du patient aux autosondages justifie la disponibilité de plusieurs structures de soin (consultations externes, hospitalisation de jour, hospitalisation conventionnelle) adaptées à l’état neurologique du patient et au temps et aux ressources nécessaires pour acquérir cette technique d’autosondage nécessaire pour diminuer les facteurs de risque vitaux.

Ces rétentions sont parfois traitées par des médicaments (injection intra sphinctérienne de toxine botulique sous repérage électromyographique) voire de la chirurgie (endoprothèse urétrale, sphincterotomie, cystostomie continente, intervention de Bricker), toutes interventions urologiques lourdes.

Les troubles anorectaux sont gérés par des médicaments, des mesures hygiéno-diététiques dans lesquelles interviennent un personnel spécifique (diététicienne), des rééducations spécifiques enseignées et/ou réalisées par les infirmières (irrigation colique trans anale, obturateurs, stimulations périphériques) et parfois des gestes chirurgicaux (intervention de Malone, sphincter artificiel anal, neuromodulation des racines sacrées).

Tous ces traitements nécessitent toujours une évaluation médicale clinique et instrumentale complète, une double approche clinique médicale et chirurgicale, et enfin un concertation pluridisciplinaire (RCP) prenant en compte tous les enjeux, fonctionnels et vitaux, en fonction du pronostic général de la maladie neurologique et du degré de handicap du patient. Souvent des adaptations spécifiques (techniques d’ergothérapie, de kinésithérapie, d’appareillage ou de chirurgie restauratrice [réanimation du membre supérieur par exemple]) sont nécessaires pour construire le programme thérapeutique.

Enfin ces traitements nécessitent toujours un suivi mixte, médico-chirurgical compte tenu de l’évolutivité potentielle de la neuro-vessie indépendante de l’évolution de la maladie neurologique